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737 Max, la faute de Boeing (1)

L’avion aux ailes d’or

· Aviation,737 Max,Boeing

Le Boeing 737 est un avion de transport civil conçu dans les années 1960 pour compléter sur des trajets courts le 707 long-courrier, ces deux avions ainsi que l’élégant mais malchanceux De Havilland ‘Comet’ anglais ont été les pionniers du transport aérien à réaction. Le 737 est un avion bien né, bénéficiant de la technologie acquise avec le 707 et des moyens humains et techniques considérables de Boeing. Si ses début furent difficiles c’est que le marché des trajets aériens sur les lignes courtes n’était pas encore mûr pour l'aviation à réaction, mais Boeing avait une vision à long terme et des moyens lui permettant d’attendre, de plus un coup de pouce de l’US Air Force lui achetant quelques exemplaires lui permit de tenir jusqu’aux années quatre-vingt en vendant finalement 1000 exemplaires de la première version du 737.

Dans les années 80, la croissance fulgurante du trafic aérien, la multiplication des compagnies à bas coûts et l’apparition de réacteurs de nouvelle génération réduisant drastiquement la consommation de kérosène grâce à leur grand diamètre firent de cet avion un immense succès commercial. La seconde génération de 737 équipés des nouveaux réacteurs multiplia par deux les ventes dans un laps de temps bien plus court. Un âge d’or s’ouvrait pour le 737 à peine ternit par l’apparition d'Airbus, une entreprise européenne tenue à bout de bras par les gouvernements français et allemand...

Dans les années 90, le 737 devint un avion aux ailes d’or avec sa 3ème génération baptisée NG (New Generation) vendu à pas moins de 7000 exemplaires ! Un succès colossal inédit dans l’histoire de l’aviation. Mais malgré ce triomphe le concurrent européen se consolide dans les années 90 avec l’A320, une réponse pertinente au 737 vieillissant : conception ultra-moderne et modulaire permettant de décliner l’avion en quatre tailles. Rapidement le challenger européen grignote des parts de marché au géant Boeing et le rattrape au compteur du nombre d’avion vendus malgré ses vingt ans de retard, là aussi du jamais vu dans les annales de l’aviation…

Comprenant que son best-seller est d’une conception trop ancienne pour qu’une nouvelle modernisation le maintienne au niveau de la concurrence, Boeing décide de concevoir un avion entièrement nouveau, un ‘’A320-killer’’. Stratégiquement Boeing vise un double bénéfice ; reprendre l’avantage technologique perdu contre Airbus comme il l’a fait avec succès avec le 787 Dreamliner et couper l’herbe sous les pieds du nouvel A320 dont la modernisation se limite à des réacteurs plus récents. Boeing escompte ainsi que les compagnies aériennes se contenteront encore quelques années du 737 NG, attendront son nouvel avion et délaisseront l’A320 modernisé qui affiche quand même vingt années d’âge.

Mais voilà, le progrès technique dans sa marche en avant impitoyable accouche d’une nouvelle génération de réacteurs offrant des performances qui mobilisent immédiatement l’attention des compagnies aériennes, elles savent que les raffinements aérodynamiques et l’allègement apporté par les matériaux composites d’un avion entièrement nouveau se feront attendre aux moins 10 ans, elles veulent ces nouveaux réacteurs tout de suite. C’est à ce point que tout se noue, Airbus a fait du bon boulot, les compagnies aériennes savent que le concurrent de Boeing sait faire des avions fiables et rentables et elles signent des achats massifs du nouvel A320 baptisé NEO, 4 000 commandes lors de la 1ère année de commercialisation... Le 15 novembre 2017 cette nouvelle version établit le record de ventes de l’aviation civile avec 430 exemplaires en une seule commande pour 50 milliards de dollars ! Un commercial de Boeing argumente que l’augmentation de la taille des nouveaux réacteurs va perturber l’aérodynamique du nouvel A320. Peine perdue. L’A320 a été conçu dès le départ pour des réacteurs de grand diamètre, les trente centimètres de plus des nouveaux réacteurs sont absorbés par les ingénieurs et la conception initiale de l’avion, il vole très bien et ses ventes s’envolent. De fait, la critique se retournera bientôt contre le 737, très bas sur son train d’atterrissage, obligeant à plaquer les réacteurs sous l’aile et en déformer le carénage pour éviter de racler la piste à l’atterrissage…

Pour Boeing l’immense succès commercial de l’A320 Neo est catastrophique, sa stratégie à long terme s’effondre. Les chiffres démontrent qu’il tire l’essentiel de son chiffre d’affaires avec son petit 737 vendu à des milliers d’exemplaires, il est donc tout simplement inimaginable de laisser le champ libre à Airbus pendant dix ans sur le segment des court-courriers.

Boeing est contraint d’élaborer une riposte dans l’urgence et dans la plus mauvaise position, son concurrent le rattrape commercialement et conserve une longueur d’avance technologique, Boeing a perdu son hégémonie et son aura de leader sur le marché ultra-concurrentiel de l’aviation civile. Le changement de cap va ressembler à un tour de force stratégique et industriel.

Après avoir vanté les mérites d’un avion entièrement nouveau, Boeing va défendre l’idée d’une 4ème génération de 737… Ses arguments sont que ce qui est bon pour l’A320 NEO, les nouveaux réacteurs, sera encore meilleur pour son nouveau 737 baptisé MAX. Boeing promet aux compagnies un avion à bas coût tout aussi performant que son concurrent et parfaitement compatible avec les pilotes de ses 737 actuels, pas besoin d’une nouvelle formation pour les pilotes, tout sera identique mais en plus performant. Boeing est une compagnie dont la réputation de qualité et de sérieux est inoxydable, ses clients hésitent à passer à l’A320 très moderne mais nécessitant de reformer les pilotes et sont donc absolument ravies de cette continuité, ils veulent tous le B737 MAX et le prouvent en passant massivement commandes, 3 000 commandes avant même que le prototype de cette nouvelle version ne vole ! Le petit 737 a retrouvé ses ailes d’or.

A suivre : Une machine infernale nommée MCAS